Déficit de la Sécurité sociale : comprendre ses principales composantes en 2024 pour agir Déficit de la Sécurité sociale : comprendre ses principales composantes en 2024 pour agir

Déficit de la Sécurité sociale : comprendre pour agir

Les enjeux financiers de la Sécurité sociale en 2024 : comprendre un déficit alarmant et ses principales composantes.

Parler du déficit de la sécurité sociale sans distinguer ses composantes, c’est entretenir une confusion tenace. Avant d’analyser les déséquilibres, il est essentiel de comprendre ce que recouvre réellement cette « sécurité sociale », souvent évoquée à tort comme un tout homogène.

En 2024, le budget des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’élève à 627,8 milliards d’euros de recettes, pour 643,1 milliards d’euros de dépenses. Soit un déficit de 15,3 milliards d’euros, en hausse de 4,5 milliards par rapport à 2023. Une rupture nette avec la trajectoire de redressement observée depuis la crise sanitaire.

Répartition des dépenses par branche en 2024 :

  • Retraite (vieillesse + FSV) : 293,8 Md€ (46 %)
  • Santé (branche maladie) : 253,0 Md€ (39 %), responsable à elle seule de 90 % du déficit global
  • Famille : 57,8 Md€ (9 %)
  • Autonomie (personnes âgées, handicap) : 39,9 Md€ (6 %)
  • Accidents du travail et maladies professionnelles : 16,3 Md€ (2 %)

Cette répartition montre que la sécurité sociale ne se résume ni à l’hôpital ni aux seuls remboursements de soins. Elle incarne une part essentielle du modèle social français – et, à ce titre, un champ d’enjeux budgétaires et politiques majeurs.

Mais attention : toutes les retraites ne dépendent pas de la sécurité sociale. En France, les pensions sont gérées par différents régimes. Les fonctionnaires d’État – enseignants, policiers, magistrats, militaires – ne relèvent ni du régime général, ni des régimes complémentaires comme l’Agirc-Arrco. Leur retraite est financée directement par le budget de l’État. Les ministères employeurs versent une « contribution employeur » fictive à un compte d’équilibre interne.

Financement : pourquoi la sécurité sociale dérape

En 2024, le déficit de la sécurité sociale (régimes obligatoires de base + Fonds de solidarité vieillesse) a atteint 15,3 milliards d’euros, en forte hausse. Et ce n’est pas à cause d’une nouvelle crise sanitaire : cette fois, la dérive est structurelle.

Des recettes en baisse

La sécurité sociale est financée par les cotisations sociales, la Contribution sociale généralisée (CSG) et une part de la TVA. Mais en 2024, ces recettes ont été en recul : prévisions trop optimistes, ralentissement de l’économie, inflation en baisse… Résultat : 3,7 milliards d’euros de recettes envolées.

Des dépenses toujours en hausse

Pendant ce temps, les dépenses ont continué à grimper, atteignant 643,1 milliards d’euros. C’est la branche maladie qui concentre le plus gros de la hausse, avec 253 milliards d’euros, soit près de 40 % du budget total. Elle pèse à elle seule 90 % du déficit.

Les causes ? Revalorisation des pensions, soins plus nombreux et plus coûteux, hausse des arrêts maladie. Et une dérive de l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) qui devait être contenue mais a été dépassée.

Et l’État dans tout ça ?

Ce qu’on oublie souvent, c’est que l’État lui-même pèse dans la facture, via les retraites des fonctionnaires hospitaliers. Même si elles sont gérées par un régime spécial (la CNRACL), leur déficit devient inquiétant : 2,5 milliards d’euros en 2023, avec un risque de triplement d’ici 2030.

Pour combler ce trou, le PLFSS 2025 prévoit d’augmenter les cotisations employeurs publics. En clair : une partie des dépenses de santé finance indirectement les pensions de ceux qui travaillent dans les hôpitaux. Un angle mort budgétaire rarement évoqué, mais bien réel.

Retraite : l’angle mort de la consolidation budgétaire de la sécurité sociale

Quand on parle de déficit, l’attention se porte souvent sur l’assurance maladie. Pourtant, les retraites représentent près de la moitié du budget de la sécurité sociale, avec 293,8 milliards d’euros en 2024. Malgré cela, cette branche reste peu discutée dans les débats sur les économies.

Chaque année, la France verse environ 6 milliards d’euros de pensions à 2 millions de retraités vivant à l’étranger, notamment en Algérie, au Maroc, au Portugal ou en Espagne. Bien que ces personnes aient travaillé en France, les risques de fraude, tels que les décès non déclarés ou les faux certificats d’existence, sont réels. En 2021, 43 millions d’euros d’indus ont été détectés pour les pensions versées à l’étranger, sans trop creuser.

Le cumul emploi-retraite permet à un retraité de reprendre une activité tout en percevant sa pension. Bien qu’utile dans certains secteurs en tension, comme la santé ou l’enseignement, ce dispositif reste mal encadré. Depuis la réforme de 2023, il ne génère plus de droits supplémentaires, ce qui peut creuser les inégalités.

Enfin, il faut intégrer les retraites de la fonction publique pour avoir une vision complète. Celles-ci, bien qu’en dehors du régime général, sont financées directement par l’État, donc par l’impôt. Pour les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux (via la CNRACL), le déficit est tel qu’on prévoit une hausse des cotisations employeurs publics sur plusieurs années.

Concrètement, ces pensions représentent environ 62,6 milliards d’euros en 2024 pour les seuls fonctionnaires civils et militaires de l’État. Leur pension n’apparaît donc pas dans les comptes de la sécurité sociale… mais elle existe bel et bien, et elle coûte.

Même si elle n’apparaît pas dans les comptes de la sécurité sociale stricto sensu, la retraite publique est une bombe à retardement budgétaire. Et elle pèse, tôt ou tard, sur les mêmes contribuables.

Santé publique : l’autre moteur silencieux du déficit

La santé publique représente le plus gros poste de dépenses de la sécurité sociale. En 2024, la branche maladie a coûté 253 milliards d’euros, soit près de 40 % du budget total. Les dérives ne concernent pas seulement les médicaments ou les consultations.

Dans les hôpitaux publics, les remplacements ponctuels par des intérimaires (infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, etc.) ont explosé. En 2023, la facture a atteint 825 millions d’euros, dont 472 millions pour le secteur public, soit une multiplication par six en dix ans.

Pourquoi une telle hausse ? Le système est à bout : manque de personnel titulaire, désaffection pour ces métiers, fuite vers le privé ou vers des plateformes. Résultat : on remplace l’instable par du précaire, mais à prix d’or.

Des pratiques à la limite de la légalité

Certains hôpitaux précâblent les plannings avec de l’intérim pour maintenir leur activité. D’autres passent par des vacataires sans fondement juridique, ou des soignants sous statut d’auto-entrepreneur, pourtant interdit dans la fonction publique hospitalière.

Malgré ces dépenses, la qualité des soins reste sous pression. Ce modèle est financièrement insoutenable, mais il évite, pour l’instant, que certains services ferment totalement.

Hôpital public : une usine à coûts cachés

À cela s’ajoute le poids du personnel non soignant (administratif, logistique, technique), qui représente 29 % des effectifs et 7,3 milliards d’euros de masse salariale. Ce personnel est indispensable, mais sa gestion pourrait être optimisée.

La sous-traitance dans les hôpitaux atteint 4,7 milliards d’euros. Malgré cela, le pilotage reste flou. La comparaison avec le privé est délicate, mais une chose est sûre : les fonctions support coûtent cher et restent mal évaluées.

Dépendance et autonomie : la branche discrète de la sécurité sociale

On en parle peu, mais la branche autonomie est devenue un pilier de la sécurité sociale. Elle finance les aides pour les personnes âgées en perte d’autonomie et les personnes en situation de handicap. En 2024, elle a coûté près de 40 milliards d’euros, soit plus que la branche famille.

Créée en 2021, la branche autonomie bénéficie d’une fraction dédiée de la Contribution sociale généralisée (CSG). Elle était excédentaire en 2024, avec un excédent de 1,3 milliard d’euros, mais sa dynamique de dépenses est inquiétante, avec une hausse de 6,1 % en un an.

Aujourd’hui, les prestations comme l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou la Prestation de compensation du handicap (PCH) sont cofinancées entre l’État, les départements et la sécurité sociale. Cette répartition brouille les responsabilités et les comptes.

Face à la montée des besoins, la solution classique consisterait à augmenter la CSG ou à créer une « cinquième branche » pleinement financée. Mais pour l’instant, rien n’est acté. Et l’idée d’une « grande loi autonomie » promise depuis 2020 reste lettre morte.

Un futur fardeau budgétaire ?

Tant que le financement repose sur la conjoncture (TVA, CSG), la branche autonomie reste vulnérable aux crises économiques. Elle est aujourd’hui excédentaire, mais sans réformes, elle pourrait basculer dans le rouge d’ici dix ans. Et dans un système où toutes les autres branches sont déjà déficitaires, cette perspective fait trembler les équilibres de la sécurité sociale.

Alors faut-il une refondation ? Trois pistes pour sortir de l’impasse

La Cour des comptes propose, comme toujours, des mesures d’orthodoxie budgétaire : geler certaines prestations, baisser les dépenses, élargir l’assiette des cotisations… Mais le problème de la sécurité sociale n’est pas seulement comptable. Il est politique, structurel et civilisationnel.

Voici trois pistes de fond à explorer — non pour faire des miracles, mais pour redonner du souffle à un modèle à bout de souffle.

1. Sortir du tabou : toutes les dépenses n’ont pas la même légitimité

Aujourd’hui, la sécurité sociale traite de la même manière un arrêt de travail de confort, une pension de retraite minimum, ou les soins de fin de vie. Tout est égalisé, tout est protégé, même ce qui relève parfois d’un usage abusif ou d’une utilisation de confort. Par exemple Thalasso, transports gratuits ou réduits, etc.

Il faut oser hiérarchiser. La solidarité ne peut pas être inconditionnelle. Pas question de stigmatiser, mais un débat est nécessaire : doit-on continuer à compenser sans limite ? À quel prix ? Et jusqu’où ?

2. Refonder le contrat social : cotiser, c’est appartenir

La sécurité sociale repose sur un principe simple : je cotise, donc j’ai des droits. Mais ce lien s’est dilué. Certains cotisent peu mais perçoivent beaucoup. D’autres cotisent toute leur vie et doutent de leur retraite.

Il faut restaurer un sentiment d’équité. Pourquoi ne pas rendre certaines prestations (hors soins vitaux) conditionnées à un parcours contributif minimal ? Pourquoi ne pas créer un « dividende social » modulé selon la durée de cotisation ? Il ne s’agit pas de punir, mais de réhabiliter la participation au système.

3. Numériser, simplifier, responsabiliser

La sécurité sociale est un monstre administratif. Trop de caisses, trop de régimes, trop de formulaires. Le contrôle reste trop faible, alors même que les technologies existent pour détecter les abus, croiser les données, automatiser les alertes.

Il est temps de passer à une gestion en temps réel, transparente et auditable. Pas pour fliquer, mais pour gagner en efficacité et en crédibilité. On ne pourra pas redresser le système sans une modernisation radicale de ses outils.

Ce qui est certain aujourd’hui : la « Sécu » est malade

Le choix n’est plus entre réformer ou ne rien faire. Le choix est entre reprendre le contrôle de la sécurité sociale, ou la voir s’écrouler lentement, emportée par son propre poids. Vouloir toujours plus d’impôts n’est pas une solution quand le système fonctionne mal. Un malade on le soigne.

Et poser la question du modèle, ce n’est pas être anti-social. C’est vouloir que le social tienne debout. Pour encore un siècle, et pas seulement pour les bilans comptables.

Plus de détails :

Rapport de la cour des comptes : déficit de la Sécurité Sociale