Austérité Fin de la Dette Publique ? Austérité Fin de la Dette Publique ?

Dette publique 1975–2025 : même combat, 50 ans plus tard

Les chasseurs de la dette publique de 1975 avec Jean-Pierre Fourcade jusqu’à l’ère de François Bayrou en 2025.

Jean-Pierre Fourcade en 1975. François Bayrou en 2025.
Deux hommes calmes, à contre-courant, qui osent poser la même question : jusqu’où peut-on faire semblant ?

Le passé comme miroir

En 1975, Jean-Pierre Fourcade, alors ministre de l’Économie et des Finances, tente de refermer le robinet budgétaire après le choc pétrolier.
En 2025, c’est François Bayrou, Premier ministre, qui endosse le rôle du père sévère, dans une maison budgétaire où les fenêtres sont grandes ouvertes… et les radiateurs à fond.

Mais le pays n’est plus le même. Et le gouffre est bien plus profond.

1975 : la France découvre qu’elle n’est plus invincible

Le premier choc pétrolier a tout renversé.
L’inflation dépasse 13 %. La croissance cale. Et l’État, qui a grossi tranquillement pendant les Trente Glorieuses, se rend compte qu’il n’a plus les moyens de son confort ni de sa dette publique.

Fourcade tente alors un plan de rigueur :

  • gel des dépenses publiques,
  • encadrement du crédit bancaire,
  • hausse temporaire de la TVA,
  • dévaluation du franc pour regagner en compétitivité.

Une médecine amère. Mais encore possible à l’époque : la France avait encore sa propre monnaie, donc un volant de manœuvre.

2025 : plus de marge, plus de monnaie, plus de cachette pour la dette publique

Aujourd’hui, le choc n’est plus externe : il est intérieur.

  • La dette dépasse 3 200 milliards d’euros.
  • Le déficit tourne autour de 5,8 % du PIB, année après année.
  • Et chaque Français “bénéficie” de 5 000 à 6 000 € de services qu’il ne finance pas.

Bayrou annonce alors un plan de redressement budgétaire de 40 milliards d’euros d’économies sur 3 ans.
Réaction immédiate : tollé généralisé. Trop dur, trop brutal, trop injuste.

Mais voilà : ce plan est en réalité loin d’être suffisant.

❝ Il coupe trop… mais pas assez. ❞

C’est le paradoxe. Les oppositions hurlent au massacre social, les syndicats prévoient des mobilisations dès septembre, et les chaînes info s’emballent autour des deux jours fériés supprimés.

Mais la vérité est ailleurs :

  • Même avec 40 milliards d’économies, la France ne rentre pas dans les clous européens.
  • Le déficit restera au-dessus des 3 % exigés par Bruxelles.
  • Et le poids de la dette continuera d’augmenter en valeur absolue.

Bayrou “promet trop”… mais au regard des chiffres, il fait encore trop peu.

Un pays plus peuplé… mais des services publics moins efficaces

Il y a aussi cette réalité crue que l’on préfère souvent taire : la France est aujourd’hui bien plus peuplée qu’en 1975, mais ses services publics ne suivent plus.

En 1975, la population française avoisinait les 52 millions d’habitants. À cette époque, on comptait environ 3,2 millions de fonctionnaires, tous statuts confondus. L’État était perçu comme solide, utile, efficace. Il pilotait l’économie, encadrait l’essentiel, gérait des entreprises publiques stratégiques — EDF, GDF, la SNCF, France Télécom… — autant de services intégrés à l’appareil public, assumés comme tels.

En 2025, la population a grimpé à près de 68 millions de personnes, soit une hausse de plus de 30 %. Le nombre de fonctionnaires, lui, a littéralement explosé : environ 5,6 millions hors contractuels, jusqu’à 6,2 millions en les incluant. Soit +75 à +90 % de personnel public.

Autrement dit : la fonction publique a presque doublé… pour un service qui s’est détérioré. Les urgences ferment la nuit. Les écoles manquent de profs. La justice traîne des années. L’administration fiscale décroche rarement. Même les transports publics, autrefois symbole d’un État moderne, deviennent synonymes de retards et de grèves.

On a gonflé la machine sans jamais repenser ses rouages. Résultat : elle tousse. Et les citoyens, de plus en plus, n’attendent plus de l’État ni protection, ni cap, ni efficacité. Juste un remboursement, une aide, un chèque — vite, et sans conditions. Le lien civique est devenu une transaction.

Et pourtant, au fond, le plus troublant est ailleurs : à l’époque de Fourcade, les grandes entreprises publiques étaient dans le giron de l’État. Leur dette, leur masse salariale, leurs investissements pesaient dans les comptes publics. Aujourd’hui, elles ont été privatisées, autonomisées, sorties du périmètre budgétaire. Et malgré cela, la dette de l’État a explosé.

C’est peut-être là que réside l’angle mort : on a libéré l’État de ses anciennes charges industrielles, mais on a continué à vivre comme s’il pouvait tout faire, tout financer, tout garantir. La dette, alors, ne tombe pas du ciel. Elle est le reflet d’un mensonge collectif : celui d’un pays qui croit encore pouvoir dépenser comme une puissance industrielle, tout en refusant de choisir comme un adulte.

L’État-providence est devenu un mirage

Pendant 50 ans, la France a cultivé un modèle généreux, protecteur, admirable sur le papier.
Mais elle a oublié d’en financer l’entretien.
Aujourd’hui, elle distribue des aides qu’elle emprunte. Elle maintient des structures sans les réformer. Elle ajoute des droits sans revoir les conditions.

Ce n’est plus de la solidarité. C’est de la dépendance organisée.

L’administration française est une bonbonne qu’on surremplit depuis des décennies, sans jamais vérifier la soupape.
À force de superposer les normes, d’empiler les missions et de faire semblant que tout fonctionne encore, on ne prépare pas une réforme : on prépare une explosion.

Et chaque nouvelle tentative de redressement est perçue comme une trahison.

Ce que Fourcade avait… que Bayrou n’a plus

Fourcade agissait dans un monde encore réformable :

  • monnaie nationale,
  • opinion moins fracturée,
  • croissance encore possible.

Bayrou arrive trop tard, dans un pays trop dispersé. Il n’a plus de levier monétaire. Plus de majorité claire. Et une société en défiance permanente.

Mais il a au moins ce que les autres ont fui : le courage de dire non.

La conclusion qui dérange : baisser les dépenses pour baisser la dette publique

Non, la France ne peut plus tout faire.
Non, l’État ne pourra pas tout sauver.
Non, la dette n’est pas une abstraction : c’est une bombe à retardement.

“Les gens ne se révoltent pas contre la rigueur. Ils se révoltent quand elle arrive sans explication, sans courage, sans vision.”

Bayrou a au moins tenté l’explication.
Reste à savoir si la France est encore prête à entendre.