Le Nouveau Front Populaire (NFP), fort de 182 députés à l’Assemblée nationale après sa victoire extrêmement relative aux élections législatives anticipées, se retrouve dans une position précaire. Sans soutien d’autres formations politiques et avec un Sénat opposé, la capacité de ce groupe à mettre en œuvre son programme est sérieusement remise en question. Dans un souci de vérité, Nous avons passé au crible le programme du nouveau Front Populaire.
En nous basant sur la législation française telle que la 5e République l’a voulu, nous avons étudié la faisabilité du programme NFP . De manière la plus factuelle, quelles mesures peuvent être appliquées par décret et la plupart des mesures nécessitent une intervention législative, donc un vote ou un passage par le 49.3, mettant en lumière les défis constitutionnels et politiques auxquels le NFP est confronté.
Un gouvernement constitué par le NFP ne pourrait en aucun cas gouverner par ordonnances, car cette procédure, prévue par l’article 38 de la Constitution, exige l’autorisation préalable du Parlement. Bien que cela permette de contourner le processus législatif ordinaire, cela nécessite néanmoins une certaine coopération parlementaire, ce qui semble impossible à ce jour.
Mesures applicables par décret du programme du NFP
Parmi les mesures du Nouveau Front Populaire (NFP) qui peuvent être mises en œuvre par décret, trois propositions se distinguent par leur potentiel de réponse rapide aux urgences économiques et sociales, bien qu’elles soient soumises à des contraintes juridiques et pratiques.
Blocage des prix pour les biens de première nécessité
- Détails : Le NFP souhaite bloquer les prix des produits essentiels comme l’alimentation, l’énergie et le carburant. Cette mesure vise à protéger les consommateurs contre les fluctuations excessives et les hausses de prix spéculatives, surtout en période de crise économique ou de pénurie.
- Possibilité : Le blocage des prix peut être réalisé par décret dans le cadre de lois existantes qui permettent au gouvernement de réguler les prix en cas de circonstances exceptionnelles. Historiquement, des décrets similaires ont été utilisés pendant des crises pour stabiliser les marchés.
- Limites : Pour éviter des contestations juridiques, le gouvernement doit fournir une justification solide, démontrant que la mesure est nécessaire et proportionnée. La nature temporaire de cette mesure est souvent soulignée, car un blocage prolongé des prix pourrait entraîner des effets négatifs tels que des pénuries ou des distorsions de marché.
Gratuité des premiers kWh d’électricité
- Détails : Le NFP propose d’offrir gratuitement les premiers kilowattheures (kWh) d’électricité afin d’alléger les factures des ménages, en particulier ceux à faible revenu. Cette mesure vise à garantir un accès minimal à l’énergie pour tous, réduisant ainsi la précarité énergétique.
- Possibilité : Cette initiative peut être mise en œuvre par décret, sous réserve de l’existence de dispositions légales permettant des régulations tarifaires spécifiques. Des exemples de telles dispositions peuvent être trouvés dans des lois ou règlements qui encadrent la tarification sociale de l’énergie.
- Limites : La mise en œuvre de cette mesure nécessite une justification claire et solide pour respecter les règles contractuelles et européennes. Les régulations européennes en matière de concurrence et de marché intérieur imposent des restrictions sur les interventions tarifaires, ce qui nécessite de démontrer que cette mesure ne fausse pas indûment la concurrence.
Fin des coupures d’électricité et de gaz
- Détails : Le NFP souhaite interdire les coupures d’électricité et de gaz, surtout en période de crise, pour protéger les ménages vulnérables et garantir un accès continu à l’énergie. Cette mesure est particulièrement pertinente en hiver ou lors d’événements climatiques extrêmes.
- Possibilité : Cette interdiction peut être ordonnée par décret en situation d’urgence, en utilisant les pouvoirs exceptionnels du gouvernement pour protéger la santé et la sécurité publiques. De tels décrets ont été pris dans le passé en réponse à des crises spécifiques, comme des vagues de froid sévères.
- Limites : La justification de cette mesure doit reposer sur des conditions exceptionnelles et démontrer un besoin immédiat pour éviter des contestations pour excès de pouvoir. Les mesures doivent également être proportionnées et limitées dans le temps pour répondre aux exigences légales et éviter des abus potentiels.
Mesures du programme du NFP qui nécessitent une intervention Législative
Le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) propose plusieurs mesures ambitieuses qui nécessitent l’intervention législative et l’approbation du Parlement pour être mises en œuvre.
1. Hausse du SMIC à 1600 euros Net :
Le NFP prévoit d’augmenter le salaire minimum à 1600 euros nets. Cette mesure nécessite une modification du Code du travail, qui relève du domaine législatif, et donc un vote du Parlement pour être validée.
2. Abrogation de la réforme des retraites et retour à la retraite à 60 Ans :
Le programme inclut l’annulation de la réforme des retraites mise en place par le gouvernement précédent et le rétablissement de l’âge de la retraite à 60 ans. Ces changements impliquent des modifications des lois relatives aux régimes de retraite, nécessitant ainsi un vote du Parlement. Peut-être la seule qui pourrait passer en demandant au Rassemblement National, leur pire ennemi, de la voter avec eux.
3. Réformes pour la police et la justice :
Le NFP propose de nombreuses réformes pour la police et la justice, comme le maintien de l’ensemble des gendarmeries, le rétablissement de la police de proximité, et l’interdiction de l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) et des grenades mutilantes. Ces réformes incluent également la création d’un nouveau code de déontologie des forces de l’ordre, l’interdiction de la reconnaissance faciale pendant les contrôles de police, la mise en place de récépissés en cas de contrôle d’identité, et la suppression de l’IGPN (inspection générale de la police nationale) et l’IGGN (inspection générale de la gendarmerie nationale) pour les remplacer par un organisme indépendant. Ces propositions nécessitent des modifications législatives significatives, impliquant des changements dans les lois actuelles et l’approbation du Parlement.
4. Réformes de santé et d’éducation :
Parmi les réformes proposées, le NFP souhaite instaurer la gratuité totale de l’école (incluant la cantine, les fournitures, les transports et les activités périscolaires) et réformer les hôpitaux publics pour améliorer le système de santé. Ces initiatives impliquent des modifications législatives significatives, car elles nécessitent de nouvelles lois pour financer et organiser ces services.
5. Indexation des salaires sur l’inflation :
Le programme propose d’ajuster les salaires en fonction de l’inflation pour protéger le pouvoir d’achat des travailleurs. Cette mesure nécessite des changements dans les mécanismes de fixation des salaires, qui sont actuellement définis par la législation. Par conséquent, une nouvelle loi serait nécessaire pour instaurer cette indexation.
6. Abolition de Parcoursup :
Le NFP souhaite supprimer le système d’orientation universitaire Parcoursup. Cette mesure requiert une modification des lois sur l’accès à l’enseignement supérieur, qui doit être débattue et votée par le Parlement.
7. Réformes environnementales :
Le programme inclut une série de réformes environnementales, telles qu’une nouvelle loi climat, l’interdiction du glyphosate et d’autres pesticides nocifs. L’adoption de ces mesures requiert de nouvelles lois environnementales, nécessitant l’approbation parlementaire.
8. Sanctions contre le Gouvernement Israélien :
Le NFP propose d’imposer des sanctions contre le gouvernement israélien pour non-respect du droit international. Les sanctions internationales relèvent des prérogatives législatives et doivent passer par le Parlement pour être mises en œuvre.
Analyse des Objectifs Stratégiques du Nouveau Front Populaire
Bien que certaines mesures du programme du Nouveau Front Populaire (NFP) puissent être appliquées par décret, la majorité des réformes structurelles nécessitent l’approbation du Parlement. Sans une majorité parlementaire, la mise en œuvre de ces réformes est pratiquement impossible sans recourir à l’article 49.3 de la Constitution, ce qui engagerait la responsabilité du gouvernement et risquerait de le renverser par une motion de censure.
Jean-Luc Mélenchon et d’autres représentants du NFP affirment souvent que leur programme sera appliqué dans son intégralité. Bien que séduisante pour environ 20 % des électeurs, cette position semble irréaliste compte tenu des contraintes législatives et constitutionnelles françaises. Cela soulève la question de savoir pourquoi le NFP persiste dans cette affirmation, et quels pourraient être leurs objectifs stratégiques, même si cela rend la France ingouvernable.
La position du NFP peut être expliquée par plusieurs objectifs stratégiques. Tout d’abord, en affirmant leur détermination à mettre en œuvre l’ensemble de leurs propositions, les dirigeants du NFP cherchent à mobiliser et fidéliser leur base électorale, notamment les segments de la population déçus par les partis traditionnels. Ensuite, en insistant sur leur programme complet et non négociable, le NFP exerce une pression constante sur les institutions, pouvant créer une crise démocratique et de nombreux conflits sociaux. Cette stratégie peut pousser d’autres partis à adopter certaines de leurs propositions pour éviter une paralysie politique.
De plus, en rendant la France ingouvernable, le NFP espère provoquer une crise institutionnelle majeure, justifiant ainsi des réformes constitutionnelles ou institutionnelles, comme une nouvelle Constitution ou un changement de régime politique. En adoptant une posture intransigeante, le NFP pourrait se présenter comme la victime d’un système injuste et corrompu, renforçant ainsi leur image auprès de leurs partisans et augmentant leur soutien populaire à long terme.
Enfin, en tenant fermement à leur programme, le NFP pourrait espérer forcer le président de la République à démissionner et obtenir des élections présidentielles anticipées. Cependant, cette solution se révélerait être un mauvais calcul, car elle placerait le Rassemblement National en pole position pour la présidence de la République et le parti de Jean Luc Mélenchon en 2e position, voir même en 3e position en fonction des autres candidats. Le tout sans vraiment penser à la réaction des Français qui ont déjà placé le Rassemblement national très nettement en tête des élections européennes et du premier tour des législatives, ainsi que leur défiance plus importante envers Jean-Luc Mélenchon que Marine Le Pen.
Là encore à suivre …
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