Des Russes entre Deuil et Espérance ? L’opposant russe Alexeï Navalny vient d’être enterré à Moscou en présence de milliers de moscovites d’opposants politiques, et de quelques diplomates.
Dans la quiétude froide d’un matin d’hiver à Moscou, une foule immense se rassemble, formant une mer de visages et d’émotions tout autour de la vénérable « église orthodoxe de la mère de Dieu ». C’est en ce lieu, éloigné du tumulte du centre-ville, que des milliers de personnes sont venues rendre un dernier hommage à Alexeï Navalny, l’opposant le plus résolu à Vladimir Poutine, ainsi que plusieurs diplomates.
L’annonce de ses obsèques avait été faite sans détours, permettant à chacun de connaître l’heure et le lieu précis de ce triste événement. Parallèlement, la police prévenait que toute manifestation était interdite sous peine d’arrestation.
« Navalny ! Non à la guerre ! Nous ne t’oublierons pas ! »
Le silence de la foule est brisé par l’arrivée d’un corbillard noir. Une importante foule de plusieurs milliers de personnes applaudissent et des cris « Navalny ! », « Non à la guerre ! », « Nous ne t’oublierons pas ! », « Nous ne pardonnerons pas ! » . Le cercueil d’Alexeï Navalny en est extrait avec solennité et porté à l’intérieur de l’église, sous les yeux de ses parents et d’une communauté de soutien de 300 personnes, recueillies en ces murs sacrés. L’image du cercueil ouvert, exposant la dépouille d’Alexeï Navalny selon le rite orthodoxe, avec le prêtre officiant et ses parents à ses côtés, restera gravée dans les mémoires.
Une bénédiction courte mais empreinte d’une profonde symbolique marque ce moment, la mère d’Alexeï Navalny déposant un médaillon sur le corps de son fils dans un ultime geste d’adieu. « Laissez les gens dire au revoir », scandent certains, tandis que le cercueil est porté hors de l’église, accompagné par les applaudissements et les remerciements adressés aux parents du défunt.
La procession religieuse de 2 kilomètres jusqu’au cimetière.
La procession religieuse qui s’ensuit, se déroulant le long des 2 kilomètres séparant l’église du cimetière de Borissovo, est un moment de communion solennelle. Des milliers de personnes suivent le corbillard en un cortège paisible, témoignant de l’unité et du respect pour l’opposant disparu. L’entrée du cercueil dans le cimetière, saluée par des applaudissements et, de nouveau, les slogans « Navalny ! », « Non à la guerre ! », « Nous ne t’oublierons pas ! », est un hommage vibrant à sa lutte.
Le dépôt d’un bandeau blanc sur les yeux de Navalny, le baiser d’adieu de sa mère, et la descente du cercueil dans le caveau sur les notes de « My Way » de Frank Sinatra, suivis de la musique de Terminator 2, illustrent la dimension à la fois personnelle et symbolique de cet adieu. Le choix de ces musiques, notamment la réplique culte « I will be back », résonne comme un symbole de résistance et d’espoir.
En cette soirée du 1er mars 2024, des centaines de personnes continuent de se recueillir autour de la tombe de Navalny, malgré la présence intimidante de la police anti-émeute. Des mausolées improvisés, des photos entourées de bougies, des fleurs déposées sur un arbre, témoignent de l’amour et du respect portés à l’opposant.
Loulia Navalnaïa et leurs 2 enfants n’ont pu assister a l’enterrement.
L’absence de Loulia Navalnaïa, veuve d’Alexeï, et de leurs enfants à l’enterrement, souligne les difficultés et les dangers auxquels la famille est confrontée. La déclaration de Loulia sur les réseaux sociaux, rendant hommage à son mari, révèle une profonde tristesse mêlée de détermination.
« Lyosha, merci pour ces 26 années de bonheur absolu. Oui, même pour les trois dernières années de bonheur. Pour l’amour, pour m’avoir toujours soutenue, pour m’avoir fait rire même depuis la prison, pour avoir toujours pensé à moi.
Je ne sais pas comment vivre sans toi, mais je vais faire de mon mieux pour que là-haut tu sois heureuse pour moi et fière de moi. Je ne sais pas si j’y arriverai, mais j’essaierai.
Je suis sûr que nous nous rencontrerons un jour. J’ai tellement d’histoires non racontées pour toi, et j’ai tellement de chansons enregistrées sur mon téléphone pour toi, des chansons idiotes et drôles et généralement, franchement, terribles, mais elles parlent de nous, et j’avais tellement envie de te les faire écouter. Et je voulais tellement te regarder les écouter, rire et me serrer dans tes bras.
Je t’aime pour toujours. Repose en paix. »
La fermeture anticipée du cimetière par la police, une demi-heure plus tôt que prévu, et les arrestations rapportées par l’ONG OVD-Info, sont autant de rappels de la répression persistante en Russie. Malgré cela, l’écho des funérailles de Navalny, tel que rapporté par le journaliste Denis Kataev, souligne l’impact indélébile de l’opposant sur son pays et au-delà, rassemblant dans la mort comme il l’avait fait de son vivant.
Un slogan à l’adresse de Vladimir Poutine entendu résume tout « Navalnïe n’avait pas peur et nous n’avons pas peur ! »