Assassiner Ali Khamenei serait le reniement de l'espritdelademocratie Assassiner Ali Khamenei serait le reniement de l'espritdelademocratie

Assassiner Ali Khamenei : trahison de la démocratie et impasse stratégique

Un pays civilisé et démocratique se distingue fondamentalement par son attachement à l’État de droit, à la légalité internationale, et à l’éthique de la gouvernance. Cette distinction est fondamentale. Une démocratie, même lorsqu’elle est confrontée à des menaces sérieuses, comme celles posées par des régimes autoritaires ou des acteurs violents, doit maintenir un standard éthique qui la sépare des dictatures. Les démocraties opèrent sur des principes de respect de la vie humaine, des droits fondamentaux et de la souveraineté des autres nations. Le recours à l’assassinat, surtout envers un chef d’État étranger ou un opposant, ne fait pas seulement partie des méthodes répréhensibles d’une dictature, il va à l’encontre des valeurs qui fondent les démocraties.

Le chaos après l’élimination des dirigeants en Irak et en Libye

L’élimination d’un ennemi perçu comme une menace existentielle est une option qui a souvent été envisagée dans les relations internationales. Dans le cas d’Israël face à l’Iran, un pays à la rhétorique ouvertement hostile et engagé dans un programme nucléaire controversé, l’assassinat d’Ali Khamenei pourrait paraître, à première vue, une solution radicale mais efficace. Pourtant, si l’histoire récente du Moyen-Orient, en particulier les exemples de l’Irak et de la Libye, nous enseigne une chose, c’est que l’élimination de dirigeants autoritaires ne conduit presque jamais aux résultats escomptés.

En 2003, la chute de Saddam Hussein, provoquée par l’invasion américaine, a marqué le début d’une ère de chaos en Irak. Loin d’apporter la paix ou la démocratie, la mort de Saddam a laissé un vide de pouvoir rapidement comblé par des conflits sectaires, la montée de groupes extrémistes comme Daech, et une instabilité chronique qui perdure encore aujourd’hui. De même, en Libye, l’assassinat de Mouammar Kadhafi en 2011 par les rebelles, avec le soutien de l’OTAN, n’a pas conduit à une stabilisation du pays. Au contraire, la Libye est devenue un foyer de guerre civile, de terrorisme, et de réseaux criminels.

Ces exemples montrent que l’élimination d’un dirigeant autoritaire, loin de résoudre les problèmes, ouvre souvent la voie à une fragmentation politique, à l’émergence de factions rivales et à une déstabilisation de la région. Appliqué à l’Iran, l’assassinat de Khamenei pourrait bien produire des effets similaires. L’Iran n’est pas un régime unipersonnel ; ses institutions, comme les Gardiens de la Révolution ou le Conseil des experts, ont des pouvoirs considérables, capables de maintenir une continuité idéologique et politique même après la disparition de leur Guide suprême.

Une radicalisation accrue et le renforcement du programme nucléaire

En plus de créer un vide de pouvoir, l’assassinat de Khamenei risquerait de provoquer une radicalisation des éléments les plus durs du régime iranien. Depuis la Révolution islamique de 1979, le régime iranien s’est construit sur une posture de résistance contre les forces étrangères, en particulier l’Occident et Israël. Un assassinat ciblé de Khamenei viendrait alimenter ce narratif victimaire, renforçant le soutien populaire au régime et justifiant, aux yeux des élites iraniennes, une accélération du programme nucléaire comme moyen de dissuasion.

L’histoire nous montre également que l’élimination de dirigeants accusés de développer des armes de destruction massive n’a pas empêché la prolifération. L’intervention militaire en Irak, par exemple, justifiée par la supposée possession d’armes chimiques, n’a pas empêché la course à l’armement nucléaire dans la région. En fait, elle a encouragé des pays comme l’Iran à développer leur propre capacité pour se prémunir d’une intervention similaire. La Libye, après avoir renoncé à son programme d’armes de destruction massive, a finalement vu son dirigeant renversé, un exemple que Téhéran ne souhaite sûrement pas suivre.

Les risques d’isolement international pour Israël

L’assassinat d’Ali Khamenei par Israël risquerait également d’isoler davantage l’État hébreu sur la scène internationale. Si Israël a souvent agi de manière unilatérale dans la région, comme lors de la destruction du réacteur nucléaire irakien d’Osirak en 1981, un tel acte aujourd’hui, contre un leader religieux et politique, pourrait déclencher une vague de condamnations internationales. La Russie, la Chine et même certains alliés occidentaux hésiteraient à cautionner un tel acte, exacerbant ainsi les tensions dans une région déjà fragile.

Une alternative diplomatique nécessaire

L’histoire de l’Irak et de la Libye montre que la violence et l’élimination des leaders autoritaires ne sont pas des solutions pérennes pour établir la paix et la stabilité. Dans le cas de l’Iran, l’assassinat d’Ali Khamenei risquerait de renforcer les forces les plus conservatrices et militaristes du régime, tout en accélérant la course à l’arme nucléaire. Au lieu de cela, une solution diplomatique, aussi difficile soit-elle à concevoir, est la seule option à long terme qui pourrait réduire les tensions.

En conclusion, l’assassinat d’Ali Khamenei serait une erreur stratégique et morale. Loin de mettre fin aux ambitions régionales et nucléaires de l’Iran, il plongerait la région dans une nouvelle spirale de violence, comme l’ont montré les précédents irakien et libyen. Les enjeux de la région nécessitent des solutions politiques complexes, pas des coups d’éclat militaires, qui ont souvent des effets dévastateurs et imprévus.

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