Une détérioration persistante des finances publiques nationales
En 2023, les finances publiques françaises ont connu une dégradation importante, avec un déficit atteignant 5,5 % du PIB, soit 154 milliards d’euros, aggravé par des hypothèses de croissance trop optimistes et une absence de maîtrise structurelle des dépenses. Ce déficit, couplé à une dette publique de 3 100 milliards d’euros (près de 110 % du PIB), met en évidence un manque chronique d’efforts d’ajustement structurel, malgré des engagements européens exigeants.
Une trajectoire budgétaire peu crédible et une crise politique aggravante
Pour 2024, les perspectives restent sombres. La Cour des comptes a souligné que la trajectoire budgétaire proposée repose sur des économies non documentées, estimées à 50 milliards d’euros, et sur des hausses d’impôts insuffisamment précisées. Ces hypothèses, déjà jugées peu réalistes, sont d’autant plus fragiles qu’elles reposent sur des prévisions de croissance trop optimistes et sur une ambition de maîtrise des dépenses jamais atteinte dans le passé.
À ces incertitudes budgétaires s’ajoute une crise politique majeure. L’absence prolongée d’un gouvernement opérationnel, conséquence des divisions au sein de l’Assemblée nationale et de l’incapacité des partis à former une majorité stable, paralyse la prise de décisions stratégiques. Dans ce contexte, les réformes indispensables pour corriger le déficit et stabiliser la dette ne peuvent être mises en œuvre efficacement. Ce blocage institutionnel aggrave encore les défis économiques, rendant toute planification à moyen terme particulièrement incertaine.
Selon les analyses de la Cour, tout écart par rapport aux prévisions de croissance ou aux objectifs de recettes et de dépenses pourrait faire dérailler cette trajectoire. La situation est d’autant plus critique qu’elle repose sur des engagements européens exigeants. Pour atteindre un déficit sous les 3 % du PIB d’ici 2027, la France devrait non seulement réduire ses dépenses de manière drastique, mais également revoir ses priorités en matière de fiscalité et d’investissement public.
Cependant, en l’absence d’une gouvernance capable de porter ces réformes et de construire un consensus parlementaire, ces objectifs apparaissent d’autant plus irréalistes. La paralysie politique non seulement compromet la crédibilité des engagements budgétaires de la France, mais érode aussi la confiance des investisseurs et des partenaires européens, amplifiant ainsi le risque d’une dégradation supplémentaire de la note souveraine du pays.
Une gestion locale en crise : Des collectivités en déficit croissant
Les finances locales françaises subissent une pression grandissante. En 2024, les collectivités territoriales enregistrent une forte hausse des dépenses de fonctionnement (+5,4 %) et d’investissement (+13,1 %), dépassant largement les prévisions. Cette dynamique s’explique par des facteurs conjoncturels, notamment le cycle électoral municipal, qui incite à accélérer les projets avant la fin des mandats. Toutefois, cette explosion des dépenses compromet sérieusement les objectifs de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, qui prévoyait une baisse en volume des dépenses des collectivités.
Simultanément, les recettes des collectivités s’effondrent dans certains domaines. Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), source majeure de revenus pour les départements, ont chuté de 20 % sur les huit premiers mois de 2024, conséquence d’un marché immobilier en repli. Ce manque à gagner, bien plus important que prévu, accentue les déficits des départements, déjà en difficulté. En 2023, leur épargne brute avait diminué de près de 39 %, atteignant un seuil critique de 10,4 % des produits réels de fonctionnement. Cette situation contraint de nombreuses collectivités à puiser dans leurs réserves ou à augmenter leur recours à l’emprunt pour maintenir leurs investissements.
Les disparités entre collectivités se creusent également. Alors que les communes et intercommunalités, soutenues par des recettes foncières dynamiques, parviennent à maintenir une relative stabilité, les régions et les départements subissent une détérioration plus marquée de leurs finances. Les régions, par exemple, ont vu leur épargne brute diminuer de 5,8 % en 2023, et cette tendance se poursuit en 2024, sous l’effet d’une dynamique de dépenses plus rapide que celle des recettes.
La dégradation de la note souveraine : Une alerte de Moody’s
En novembre 2024, Moody’s a abaissé la note souveraine de la France, marquant une nouvelle étape préoccupante dans la crise des finances publiques du pays. Cette décision met en lumière une détérioration structurelle persistante, alimentée par un déficit chronique et une dette publique dépassant 110 % du PIB. Moody’s pointe également des incertitudes politiques prolongées, dues à l’absence de consensus parlementaire et à l’incapacité du gouvernement à engager des réformes structurelles nécessaires.
Cette dégradation a des conséquences directes pour l’économie française. En rendant la dette plus coûteuse à financer, elle réduit les marges de manœuvre budgétaires nécessaires pour répondre aux enjeux économiques et sociaux. Par ailleurs, elle érode la confiance des investisseurs internationaux, rendant le pays moins attractif pour les capitaux étrangers. Dans un contexte européen de plus en plus compétitif, cette perte de crédibilité fragilise la position de la France au sein de la zone euro.
Alors que les engagements européens obligent à un retour sous les 3 % de déficit d’ici 2027, cette dégradation complique encore davantage les perspectives économiques. Elle souligne l’urgence de réformes crédibles pour restaurer la confiance et stabiliser la trajectoire budgétaire du pays.
Une paralysie politique face aux urgences économiques
Depuis plusieurs mois, la France est confrontée à une instabilité politique majeure, marquée par l’absence d’un gouvernement stable. Les divisions profondes au sein de l’Assemblée nationale et l’incapacité à dégager un consensus sur des réformes structurelles essentielles témoignent d’une classe politique focalisée sur des intérêts partisans, au détriment de l’intérêt général. Cette situation de blocage entrave les initiatives visant à réduire le déficit, améliorer la compétitivité et répondre aux enjeux climatiques, exacerbant ainsi le sentiment d’urgence économique et sociale.
Dans une tentative de sortir de cette impasse, le président Emmanuel Macron a nommé François Bayrou au poste de Premier ministre le 13 décembre 2024. Bayrou, figure centriste et président du MoDem, est perçu comme un artisan du dialogue, capable de rassembler les différentes factions politiques. Cependant, sa nomination a suscité des réactions mitigées. La France insoumise a immédiatement annoncé son intention de déposer une motion de censure, tandis que le Parti socialiste et le Parti communiste français ont exprimé des réserves, attendant des engagements clairs de la part du nouveau Premier ministre avant de se prononcer sur un éventuel soutien.
Les défis auxquels Bayrou est confronté sont immenses. Il doit former un gouvernement capable de naviguer dans un paysage politique fragmenté, tout en élaborant un budget susceptible de satisfaire des exigences contradictoires. La nécessité de réduire le déficit public, qui a atteint des niveaux préoccupants, impose des mesures d’austérité susceptibles de rencontrer une forte opposition, tant au sein du Parlement que de la population. De plus, l’urgence climatique requiert des investissements significatifs, rendant l’équation budgétaire encore plus complexe.
La situation est d’autant plus critique que l’instabilité politique a déjà eu des répercussions économiques concrètes. La dégradation de la note française sur les marchés reflète la difficulté croissante pour la France d’attirer des investisseurs, augmentant le coût de la dette et limitant les marges de manœuvre pour des politiques économiques ambitieuses.
En somme, la paralysie politique actuelle, illustrée par les difficultés rencontrées par le nouveau Premier ministre François Bayrou, entrave la capacité de la France à répondre efficacement aux urgences économiques et climatiques. Seule une mobilisation collective et un dépassement des clivages partisans permettront de surmonter cette crise multidimensionnelle.
Les récentes réactions des principaux partis d’opposition – La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), le Rassemblement national (RN), Europe Écologie Les Verts (EELV) et le Parti communiste français (PCF) – face à la nomination de François Bayrou au poste de Premier ministre illustrent une focalisation sur des intérêts partisans, au détriment de l’intérêt général.
Dès l’annonce de cette nomination, LFI a déclaré son intention de déposer une motion de censure, sans attendre de connaître les orientations politiques du nouveau gouvernement.
Le PS et le PCF ont conditionné leur soutien à des engagements spécifiques, notamment le renoncement à l’utilisation de l’article 49.3 ou abandon de la réforme des retraites, limitant ainsi la capacité du gouvernement à agir efficacement.
EELV a également menacé de voter la censure si des changements significatifs n’étaient pas apportés, notamment concernant les nominations aux postes stratégiques et les politiques sur les retraites, l’écologie et la justice fiscale.
Bien que le RN ait choisi de ne pas censurer le gouvernement a priori, cette décision semble davantage motivée par des considérations stratégiques que par une volonté de stabilité politique.
Ces positions, centrées sur des intérêts partisans, contribuent à la paralysie politique actuelle, entravant la mise en œuvre de réformes nécessaires pour répondre aux urgences économiques et sociales du pays.
L’irresponsabilité politique face à un mur économique
Alors que la France s’enfonce dans une spirale de déficits et de dettes, les élus nationaux semblent incapables de dépasser leurs querelles partisanes pour trouver des solutions. En privilégiant leurs carrières personnelles, ils laissent le pays dériver, incapable de répondre à ses obligations européennes ou aux attentes des citoyens.
Il est urgent que les députés adoptent une posture plus responsable et constructive, orientée vers la réforme et l’investissement durable. À défaut, le coût de cette inertie politique sera supporté non seulement par les générations actuelles mais aussi par celles à venir, rendant le redressement encore plus difficile.
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