Une Chaîne en Roue Libre
CNews, autrefois perçue comme une chaîne d’information généraliste, a progressivement basculé vers une ligne éditoriale radicale, voire extrémiste. Ce virage n’est pas le fruit du hasard, mais bien le résultat d’une stratégie délibérée visant à transformer la télévision en un outil de propagande idéologique. Le pluralisme et le journalisme d’investigation ont été sacrifiés sur l’autel de l’obsession identitaire et de la guerre culturelle.
Au cœur de cette orientation : Vincent Bolloré.
Patron du groupe Canal+, il a pris le contrôle de CNews avec la même logique qu’il a imposée à Europe 1, au JDD ou à Paris Match : substituer l’information à l’idéologie, et faire des médias des armes culturelles au service d’une droite radicale.
Pascal Praud, le Maître du Ressentiment
Pascal Praud, figure centrale de CNews, incarne à lui seul la dérive de la chaîne. Dans son émission L’Heure des Pros, il distille quotidiennement un discours teinté de ressentiment et de peur. Pour Praud, l’immigration est une « invasion », l’islam une « submersion », et le féminisme une « hystérie idéologique ».
Quelques perles de Pascal Praud :
- « Il y a beaucoup de femmes qui n’ont pas eu la chance d’être regardées par les hommes, et qui, de ce fait, nourrissent un sentiment de revanche. » (3 avril 2025)
- « Jean-Marie Le Pen a dit, quand personne ne le disait encore, que l’islam changerait le visage de la France. » (8 janvier 2025, CNews.fr)
- « On ne peut plus complimenter une femme sans risquer un procès. »
Ces déclarations ne sont pas anodines. Elles valident et légitiment des idées extrémistes, présentées comme des vérités incontestables. Praud utilise son émission pour marteler des thèmes qui résonnent avec les peurs et les frustrations d’une partie de la population, créant ainsi un climat de méfiance et de division.
Les plateaux sont souvent construits comme des arènes biaisées, où les invités d’opinion identique se succèdent, renforçant la sensation d’évidence idéologique. Les voix divergentes y sont rares, ou réduites à des caricatures faciles à déstabiliser.
Les Têtes d’Affiche de Cnews qui en disent long
Autour de Pascal Praud, une galerie de personnages récurrents vient alimenter la machine à propagande de CNews. Ces invités, triés sur le volet, partagent une vision du monde radicale et réactionnaire.
Parmi eux :
- Éric Zemmour, apôtre du « grand remplacement », qui ne cesse de prêcher la théorie d’un remplacement démographique et culturel de la population française.
- Jean-Claude Dassier, pour qui « les musulmans s’en foutent de la République », une déclaration qui résume bien son mépris pour une partie de la population française.
- Guillaume Bigot, qui voit dans chaque fait divers un symptôme de déclin civilisationnel, alimentant ainsi la paranoïa collective.
- Julien Audoul, porte-voix du Rassemblement National, qui utilise chaque tribune pour promouvoir les idées de son parti.
- Philippe de Villiers, nostalgique d’une France chrétienne et féodale, qui regrette un passé mythifié et idéalisé.
- Charlotte d’Ornellas, catholique conservatrice enracinée dans un passé idéalisé, qui défend une vision traditionaliste de la société.
- Ivan Rioufol, pourfendeur du multiculturalisme et prophète du déclin, qui voit dans chaque évolution sociale une menace pour l’identité française.
Mathieu Bock-Côté, quant à lui, se présente en intellectuel modéré. Mais derrière son vocabulaire universitaire se cache une rhétorique réactionnaire et antiféministe. Pour Bock-Côté, le féminisme contemporain est une idéologie totalitaire visant à « rééduquer le mâle occidental ».
Quelques citations de Mathieu Bock-Côté :
- « Le féminisme contemporain ne vise plus l’égalité, mais la rééducation du mâle occidental. »
- « L’idéologie diversitaire veut déconstruire la France et lui imposer la honte de soi. »
- « La masculinité est aujourd’hui criminalisée. »
- « Le multiculturalisme est une machine à broyer les peuples enracinés. »
Bock-Côté utilise un vernis intellectuel pour masquer des idées extrêmes. Il se pose en défenseur de la nuance, tout en procédant à des généralisations souvent très peu nuancées. Son discours, habilement construit, séduit une audience en quête de réponses simples à des questions complexes.
Une Chaîne Sous Surveillance, mais Toujours Impunie
CNews ? Une lettre suffit à faire basculer une chaîne en machine à haine : il suffit de retirer le ‘C’.
Face à ces dérives, l’Arcom (ex-CSA) a infligé plusieurs amendes à CNews. Mais ces sanctions, bien qu’importantes en montant, restent peu dissuasives.
Quelques chiffres clés :
- 200 000 € pour les propos d’Éric Zemmour sur les mineurs isolés (« violeurs, voleurs, assassins »)
- 100 000 € pour avoir affirmé que l’avortement est « la première cause de mortalité dans le monde » sans aucune contradiction
- 50 000 € pour des intox diffusées sur des parents musulmans demandant des salles de prière
- 20 000 € pour propos climatosceptiques non contredits
Total : 370 000 € d’amendes entre 2020 et 2025.
Un coût symbolique pour une chaîne qui a fait du contournement déontologique un modèle économique.
CNews ne se contente plus d’informer, elle installe une hégémonie idéologique. Sa stratégie est claire : remplacer le journalisme par l’opinion, et l’opinion par l’obsession. Les débats sont formatés pour donner l’illusion du pluralisme — mais dans les faits, les invités sont presque toujours alignés sur la ligne éditoriale. Les rares contradicteurs sont surreprésentés dans des rôles de figurants, vite interrompus ou caricaturés.
Et ce biais n’est pas seulement politique. En juin 2023, la chaîne a été accusée d’avoir diffusé de fausses preuves sur le naufrage du submersible Titan, en présentant comme authentique un signal sismique sans aucun lien. Même l’information brute devient spectacle.
CNews, une chaîne en guerre contre la Démocratie ?
Ce que produit CNews n’est pas un déséquilibre accidentel. C’est une entreprise cohérente de remodelage du paysage médiatique, pilotée par des figures comme Pascal Praud, Mathieu Bock-Côté, Ivan Rioufol et Charlotte d’Ornellas. Ces personnalités ne parlent pas aux faits, mais à l’instinct. Elles veulent que vous vous sentiez assiégé. Et dans ce climat de guerre culturelle, ce n’est plus la vérité qui compte, mais ce qui divise.
CNews n’est plus une chaîne d’information, mais une machine à propagande au service de l’extrême droite. Et pourtant, c’est la chaîne d’information qui se vante d’avoir le plus d’audience.
Cela en dit long sur l’état de notre société et sur la télévision que nous méritons. Si CNews est si populaire, c’est peut-être parce qu’elle reflète les peurs et les frustrations d’une partie de la population — mais aussi parce qu’elle alimente ces peurs au lieu de les apaiser. Dans un monde complexe et en constante évolution, il est plus facile de succomber à la tentation du simplisme et de la division.
CNews a trouvé son public. La vraie question est désormais : qui lui répondra ? Et sur quel terrain ?
A lire :
« Les téléspectateurs les plus fidèles de CNews confient volontiers leurs sympathies pour l’extrême droite »
Comment une chaîne devient-elle de gauche ou de droite ?