La France, pays des droits de l’homme, est confrontée à un paradoxe alarmant :
Le sexisme en France demeure une problématique persistante, comme l’ont révélé les données de l’édition 2023. En cette année 2024, il est préoccupant de constater que l’écart entre la conscience collective et la réalité du sexisme au quotidien persiste, voire s’aggrave. En effet, 92 % de la population estime que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière dans au moins un aspect de la société.
Ce constat alarmant met en lumière la persistance de stéréotypes sexistes, parfois délibérément renforcés, qui continuent de peser sur la vie quotidienne des femmes. Notamment, les femmes âgées de 25 à 34 ans font face à des défis encore plus importants cette année, avec une augmentation de 5 points de la perception de la difficulté d’être une femme dans la société.
Bien que Le sexisme en France soit largement reconnue par l’ensemble de la population, les cas de violences sexistes et sexuelles déclarées continuent de croître, et certaines formes de sexisme s’aggravent dans certaines sphères de la société. Les attitudes masculinistes persistent, notamment chez les hommes âgés de 25 à 34 ans. Parallèlement, les pressions sociales imposant aux femmes des normes de féminité et de maternité gagnent du terrain, y compris parmi les femmes elles-mêmes.
Les stéréotypes se renforcent, notamment chez les hommes
Les stéréotypes de genre restent bien ancrés dans la société française, résultant d’une adhésion aux rôles sociaux traditionnels et de pressions sociales continues. Les chiffres révèlent que les hommes sont de plus en plus enclins à adhérer aux stéréotypes masculins, tandis que les femmes sont soumises à une forte pression pour correspondre à des normes de féminité :
- Environ 70 % des hommes estiment toujours qu’un homme doit être le principal soutien financier de sa famille pour gagner le respect dans la société, et ce sentiment est partagé par 63 % des femmes.
- 31 % des hommes pensent qu’il est important de savoir se battre (contre 27 % des femmes), et 13 % estiment qu’avoir de nombreux partenaires sexuels est nécessaire (contre 7 % des femmes).
- De leur côté, 78 % des femmes estiment qu’elles doivent être sérieuses pour répondre aux attentes de la société, une opinion partagée par 70 % des hommes. De plus, 60 % pensent qu’elles doivent être discrètes (45 % des hommes), 52 % qu’elles doivent avoir des enfants (41 % des hommes) et 48 % qu’elles doivent avoir peu de partenaires sexuels (contre 37 % des hommes).
Il est clair que les clichés de genre sont encore largement répandus dans la société française, et ils semblent s’enraciner davantage cette année. Les stéréotypes associés au féminin augmentent chez les femmes, tandis que ceux associés au masculin progressent chez les hommes.
Ces idées sexistes qui ont la peau dure et qui évoluent :
- L’idée que « les hommes ont du mal à exprimer leurs émotions » gagne du terrain chez les hommes avec une augmentation de 3 points cette année (42 %).
- L’idée que « les hommes sont meilleurs en mathématiques » gagne 4 points (17 %).
- L’idée que « la contraception est principalement la responsabilité des femmes » progresse de 4 points (26 %),
- L’idée que « le barbecue est une affaire d’hommes », qui gagne 3 points (26 %).
- Chez les femmes, l’idée que « les femmes sont naturellement plus douces que les hommes » augmente de 3 points (53 %),
- L’idée que « c’est normal que les femmes arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants » gagne 7 points (34 %).
Les femmes font face à une augmentation de la privation de leurs libertés en raison du sexisme
Cette année, il est de plus en plus évident que les femmes sont conscientes des situations sexistes auxquelles elles sont confrontées, ce qui les pousse à adopter des stratégies d’évitement ou de renoncement pour éviter de subir ces stéréotypes. Cette réalité entraîne une privation croissante de leur liberté au quotidien, comme en témoignent les chiffres suivants :
- 9 femmes sur 10 ont déjà renoncé à des actions ou ont modifié leur comportement pour éviter d’être victimes de sexisme.
- 58 % des femmes ont déclaré avoir renoncé à sortir seules pour participer à des activités, ce qui représente une augmentation de 3 points par rapport à l’année précédente.
- 44 % ont fait attention à ne pas élever la voix, une augmentation de 3 points.
- 43 % ont censuré leurs propos par crainte de la réaction des hommes, également en hausse de 3 points.
Au total, cela signifie que 9 femmes sur 10 ont déjà été contraintes de renoncer à des actions ou d’ajuster leur comportement pour échapper au sexisme. Cette réalité souligne l’importance continue de lutter contre le sexisme et de promouvoir l’égalité des sexes pour permettre aux femmes de vivre sans entrave et en toute liberté.
Le sexisme en France dans les Médias
Les médias ne sont pas exempts de sexisme. Malgré une présence accrue des femmes à l’écran, leur temps de parole et leur salaire reste inférieur à celui des hommes, révélant une forme de sexisme structurel. Des représentations médiatiques biaisées contribuent à perpétuer les stéréotypes de genre.
Le masculinisme gagne en influence en France
La société française connaît une polarisation croissante en ce qui concerne le sentiment d’égalité entre les sexes. Les hommes sont nettement moins enclins que les femmes à reconnaître les inégalités de traitement entre les sexes et à condamner les comportements sexistes, avec des écarts pouvant atteindre plusieurs dizaines de points. Cette édition révèle trois constats majeurs :
- Plus les situations sexistes sont considérées comme « ordinaires » ou liées au monde du travail, plus l’écart entre les perceptions des hommes et des femmes se creuse. Par exemple, 88 % des femmes perçoivent un problème lorsque qu’un employeur choisit d’embaucher un homme plutôt qu’une femme à compétences égales, contre seulement 64 % des hommes (un écart de 24 points). De même, 78 % des femmes considèrent comme un problème le fait qu’un homme fasse des commentaires sur la tenue vestimentaire d’une femme, contre 60 % des hommes (un écart de 18 points).
- Les différences se creusent davantage en ce qui concerne le sentiment d’égalité entre les jeunes hommes et jeunes femmes (âgés de 15 à 34 ans) dans toutes les sphères de la vie. Par exemple, il existe un écart de 26 points sur le sentiment d’égalité au sein de la famille entre les femmes et les hommes âgés de 25 à 34 ans, contre un écart de 18 points parmi les tranches d’âge supérieures à 35 ans. De même, il y a un écart de 28 points entre les femmes et les hommes âgés de 15 à 24 ans en ce qui concerne le sentiment d’égalité dans les espaces publics et les transports, contre 8 points parmi les personnes âgées de 35 à 49 ans. Les hommes âgés de 25 à 34 ans sont également beaucoup moins nombreux (35 %) à considérer anormal qu’un homme perçoive un salaire supérieur à celui de sa collègue occupant le même poste, comparativement à 78 % des femmes du même âge (un écart de 43 points).
- Les jeunes hommes sont de plus en plus nombreux à percevoir la difficulté d’être un homme dans la société actuelle (39 % pour les 15-24 ans et 40 % pour les 25-34 ans, soit une augmentation de 14 % et 6 % respectivement). Certains d’entre eux estiment même avoir été moins bien traités en raison de leur sexe. On observe ainsi une forme de passivité voire d’hostilité et de résistance à l’émancipation des femmes dans la société, en particulier chez les hommes. Par exemple, 37 % d’entre eux (une augmentation de 3 %) estiment que le féminisme menace la place et le rôle des hommes, et 32 % (une augmentation de 3 %) pensent que les hommes sont en train de perdre leur pouvoir. Cette résistance s’observe dans toutes les générations d’hommes, y compris chez les 65 ans et plus, et est particulièrement marquée chez les hommes âgés de 25 à 34 ans. Ils sont plus nombreux à estimer que les hommes sont injustement critiqués (52 %) et qu’il est devenu difficile de séduire une femme sans être perçu comme sexiste (59 %).
Adhésion aux stéréotypes masculinistes ou sexisme made in France
L’adhésion aux stéréotypes masculinistes favorise la valorisation de la masculinité au détriment des femmes. Cette tendance se manifeste par des croyances telles que :
- 29 % estiment que les hommes sont plus performants dans les carrières scientifiques (contre une moyenne de 11 %).
- 28 % pensent que les hommes sont mieux adaptés pour être des patrons (contre une moyenne de 10 %).
- 27 % croient que les hommes sont meilleurs en mathématiques (contre une moyenne de 13 %).
De plus, il est important de noter que les hommes plus âgés, notamment ceux de 65 ans et plus, sont plus enclins à promouvoir des rôles sociaux traditionnels, tels que :
- 84 % estiment que les hommes doivent protéger les femmes (contre une moyenne de 68 %).
- 71 % considèrent qu’il est normal que les hommes paient l’addition (contre une moyenne de 46 %).
- 51 % pensent que les femmes doivent s’arrêter pour s’occuper de leurs enfants (contre une moyenne de 38 %).
Cette pression sociale ressentie et subie entraîne une imprégnation plus prononcée de la division des rôles sociaux entre femmes et hommes, même parmi les jeunes femmes. Par exemple, les femmes âgées de 25 à 34 ans ressentent fortement l’obligation d’être mères, avec 54 % pensant qu’on attend d’elles qu’elles aient des enfants (contre une moyenne de 47 %) et 58 % estimant qu’une femme doit privilégier sa famille avant sa carrière professionnelle (contre une moyenne de 46 %).
Ce phénomène est préoccupant car il suggère un retour aux injonctions conservatrices, qui vont à l’encontre des avancées féministes et des politiques publiques en faveur de l’émancipation des femmes depuis les années 1950. Cette régression se manifeste également sur les réseaux sociaux avec la popularité de hashtags tels que #tradwife (pour « épouse traditionnelle ») et #stayathomegirlfriend (pour « petite amie à domicile »), qui valorisent un modèle de femme mariée dédiée exclusivement à la vie domestique, ce qui est préoccupant.
Il est important de noter que plus de la moitié de la population considère encore comme normal ou positif que les femmes cuisinent tous les jours pour leur famille, ce qui souligne la persistance de stéréotypes de genre.
Une petite lumière dans ce sombre constat : l’expression de l’opposition au sexisme est en augmentation
Malgré la persistance des stéréotypes de genre, il est encourageant de constater que le sentiment de révolte contre le sexisme gagne du terrain en France. Les chiffres témoignent de cette évolution :
- 88 % des Français sont indignés lorsqu’un homme gifle sa conjointe, ce qui représente une augmentation de 4 points par rapport à précédemment.
- 60 % sont révoltés lorsque qu’une femme est sifflée dans la rue, une augmentation de 6 points.
- 62 % manifestent leur indignation lorsque qu’un homme insiste pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe, une augmentation de 4 points.
- 36 % sont choqués lorsque qu’un homme commente la tenue vestimentaire d’une femme, une augmentation de 6 points.
- 31 % sont irrités par le mansplaining, une augmentation de 6 points.
- 28 % expriment leur désapprobation à l’égard des blagues et remarques sexistes, une augmentation de 4 points.
Ces données montrent que de plus en plus de Français rejettent activement les comportements sexistes et manifestent leur soutien à l’égalité des sexes. Cela indique un progrès significatif vers une société plus égalitaire et respectueuse.
Il est essentiel de continuer à sensibiliser et à lutter contre ces stéréotypes de genre persistants pour promouvoir l’égalité entre les sexes en France.
HCE rapport 2024 du Sexisme en France
Rapport annuel 2024 sur l’état des lieux du sexisme en France