Dissolution de l’Assemblée nationale française et élections législatives anticipées : vers une clarification de l’opinion des français ?
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, la situation politique en France a été marquée par des tensions et des défis constants. Le président Macron a tenté de créer une « alliance des progressistes » lors des élections législatives de 2022, mais cette tentative n’a pas porté les fruits escomptés. En conséquence, le gouvernement a dû se contenter d’une majorité relative, manquant environ 40 sièges pour gouverner efficacement. Cette situation a contraint le gouvernement à utiliser fréquemment l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer ses lois, un mécanisme qui permet d’adopter une loi sans vote, sauf si une motion de censure est adoptée.
L’emploi fréquent de l’article 49.3 et les motions de censure ont révélé leurs limites.
Depuis le début de la mandature d’Emmanuel Macron, l’utilisation de l’article 49.3 est devenue monnaie courante pour le gouvernement. Cette pratique a suscité une forte opposition, principalement de la part de La France Insoumise (LFI) et de la Nupes, qui ont déposé le plus grand nombre de motions de censure. Sous le gouvernement d’Élisabeth Borne (du 16 mai 2022 au 9 janvier 2024), 31 motions de censure ont été déposées par les oppositions. La plus marquante d’entre elles a échoué de justesse : celle du groupe LIOT le 20 mars 2023. Il a manqué seulement 9 voix pour faire tomber le gouvernement.
Depuis l’arrivée de Gabriel Attal au poste de Premier ministre en février 2024, trois motions de censure ont été déposées contre son gouvernement. La motion la plus récente, déposée par la Nupes le 3 juin 2024, visait à dénoncer la situation budgétaire du pays à quelques jours des élections européennes. Bien que soutenue par la gauche et le Rassemblement National (RN), la motion a recueilli 222 voix, loin de la majorité absolue de 289 voix nécessaire pour faire tomber le gouvernement. Une autre motion de censure, déposée par le RN, n’a recueilli que 89 voix. De son côté Éric Ciotti et les LR n’ont de cesse de faire planer le doute de se joindre aux autres oppositions ce qui ferait automatiquement tomber le gouvernement. Preuve que Ciotti et ses amis n’y pensaient pas qu’en se rasant le matin, ils avaient commandés un sondage en secret, à la fin de décembre. Ce sondage avait révélé des scénarios potentiels pour de nouvelles élections après une hypothétique dissolution de l’Assemblée nationale française. Il aurait donné les Républicains entre 44 et 60 sièges, en baisse par rapport aux 62 sièges remportés lors de la dernière élection. Raison, certainement, pour laquelle ils n’avaient pas fait encore tomber le gouvernement espérant des jours meilleurs.
La difficulté de gouverner avec l’article 49.3
Gouverner dans ces conditions est extrêmement complexe. L’utilisation répétée de l’article 49.3 montre une incapacité à obtenir un soutien parlementaire suffisant pour adopter des lois de manière traditionnelle. Cela reflète non seulement une fragilité politique, mais aussi une instabilité qui rend difficile la mise en œuvre d’une politique cohérente et continue.
La dépendance à l’article 49.3 suscite une opposition croissante et renforce la perception d’un gouvernement imposant ses décisions sans véritable consensus. Cela mène à une accumulation de motions de censure, qui, bien que rarement adoptées, posent une menace constante de voir tomber le gouvernement. Cette situation crée un climat politique tendu où chaque décision majeure du gouvernement est potentiellement contestée par une motion de censure, empêchant ainsi une gouvernance stable et proactive.
La fréquence des motions de censure plus de 34 déposées en 2 ans et le recours à l’article 49.3 ont un effet paralysant sur le processus législatif. Les ministres doivent constamment se préparer à défendre leur position et à justifier l’utilisation de l’article 49.3, détournant leur attention des problèmes substantiels à résoudre. De plus, cette situation empêche le gouvernement de mener à bien des réformes structurelles, car toute tentative de changement significatif est susceptible de déclencher une nouvelle crise parlementaire.
Emmanuel Macron opte pour la dissolution de l’Assemblée face à la faiblesse de sa majorité et à l’échec des européennes
Le risque de voir tomber le gouvernement est omniprésent dans ce contexte. Chaque nouvelle motion de censure représente une menace potentielle pour la stabilité gouvernementale. Même si la majorité des motions échouent, leur simple existence et la nécessité de les affronter épuisent les ressources politiques et diminuent la capacité du gouvernement à gouverner efficacement.
Les oppositions, conscientes de la faiblesse relative de la majorité gouvernementale, utilisent les motions de censure comme un outil stratégique pour affaiblir le gouvernement et marquer des points politiques. Cette situation transforme le Parlement en un champ de bataille constant, où chaque décision du gouvernement est contestée avec vigueur.
La dissolution est une arme présidentielle qui avait déjà été dégainée six fois sous la Ve république.
Face à ces défis, Emmanuel Macron a choisi de dissoudre l’Assemblée nationale, utilisant l’article 12 de la Constitution. Cette décision, prise après consultation des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, entraîne des élections législatives anticipées, prévues pour le 30 juin, avec un second tour le 7 juillet. Cette campagne électorale, extrêmement courte, met les partis et les candidats dans une situation où ils auront peu de temps pour faire campagne.
Les enjeux et risques de nouvelles élections législatives
La décision de dissoudre l’Assemblée nationale est un pari politique risqué pour Emmanuel Macron. Les sondages montrent que les Français souhaitent davantage de référendums sur les grandes mesures (78%), une dissolution et de nouvelles élections législatives (57%), et le maintien de Gabriel Attal (54%). Cependant, l’idée d’une alliance entre la majorité et les Républicains ne recueille que 37% de soutien.
Macron prend un risque majeur avec cette dissolution, car elle pourrait déboucher sur une situation encore plus compliquée. Si le RN obtient une majorité relative, il pourrait se retrouver dans la même difficulté que la majorité actuelle pour former un gouvernement stable. Une telle situation pourrait entraîner un blocage politique, ajoutant aux difficultés économiques et financières déjà présentes.
Le paysage politique français pourrait connaître des changements significatifs suite à ces élections. La théorie de la « malédiction de Matignon » pourrait voir le RN acquérir une culture de gouvernement, en dépit de son manque d’expérience. Si le RN réussit à former un gouvernement, il pourrait démontrer sa capacité à gouverner, changeant ainsi la donne politique en France.
Cette situation met en lumière les divisions profondes au sein de la politique française. Les opposants de Macron, tels que Jean-Luc Mélenchon et Jordan Bardella, se préparent à se positionner pour les élections, cherchant à capitaliser sur l’opposition aux politiques du président.
Enfin, la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron marque un tournant décisif dans la politique française. Les élections législatives à venir détermineront non seulement la composition du gouvernement, mais aussi la direction future du pays dans un contexte de défis économiques et politiques croissants.