Pétition Eleonore Pattery vs Loi Duplomb Pétition Eleonore Pattery vs Loi Duplomb

Pétition Loi Duplomb : coup de cœur citoyen ou stratégie militante ?

Pétition contre la loi Duplomb est-elle spontanée ? Analyse d’une mobilisation fulgurante autour d’un texte controversé sur l’agriculture

La loi Duplomb, qu’est-ce que c’est ?

Adoptée le 8 juillet 2025, la loi Duplomb vise à réformer en profondeur le cadre d’intervention de l’État dans le domaine agricole et environnemental. Portée par le sénateur Laurent Duplomb (LR), le texte comporte plusieurs volets :

  1. Autorisations encadrées de certains pesticides, dont l’acétamipride, un néonicotinoïde jugé moins toxique que ceux déjà interdits mais néanmoins controversé.
  2. Rationalisation des contrôles environnementaux, avec réduction des inspections redondantes ou jugées excessives par les agriculteurs.
  3. Assouplissements pour l’élevage intensif, notamment dans les zones rurales en déprise, afin de relocaliser une partie de la production alimentaire.
  4. Encadrement des mégabassines, sans suppression mais avec de nouveaux critères d’autorisation.

La philosophie du texte est claire : répondre à la crise agricole par une simplification administrative, une meilleure compétitivité, et une souveraineté alimentaire accrue. La loi s’inscrit dans une logique européenne où 26 États membres ont eux aussi adopté des dérogations comparables.

La pétition d’Eléonore Pattery : vitrine citoyenne, machine militante ?

Le 10 juillet 2025, deux jours après l’adoption de la loi, une pétition d’apparence spontanée surgit sur le site de l’Assemblée nationale. Portée par une inconnue du grand public, Éléonore Pattery, présentée comme étudiante en master QSE/RSE, elle cumule plus d’un million de signatures en moins de dix jours.

Pourtant, tout indique une opération méticuleusement planifiée :

  • Texte juridiquement précis, citant le Code de l’environnement, la Charte constitutionnelle, et des rapports d’agences internationales. Une étudiante isolée, sans formation juridique avancée ni réseau militant d’envergure, aurait difficilement pu produire un tel document seule.
  • Diffusion instantanée et massive sur les réseaux sociaux. En quelques heures, la pétition est relayée sur les comptes de personnalités très suivies dans la sphère écologiste radicale : Cyril Dion, Camille Etienne, Jean-Marc Jancovici (de manière plus mesurée), ainsi que par les collectifs Alternatiba, XR France, Youth for Climate. On la retrouve aussi sur les comptes de plusieurs eurodéputés EELV, de députés LFI et même de certaines ONG étrangères.
  • Supports visuels déjà prêts : infographies calibrées, slides de campagne, vidéos courtes format TikTok, et même des traductions anglaises de certains visuels pour une circulation européenne. Ce matériel était manifestement préparé avant même la publication de la pétition, ce qui laisse supposer une campagne déjà dans les tuyaux.
  • Compte personnel d’Eléonore Pattery très peu actif auparavant. Aucune publication publique notable sur des sujets environnementaux, très peu d’abonnés avant le 10 juillet, aucun engagement connu dans des mouvements militants ou syndicaux. Soudainement propulsée au-devant de la scène, elle devient la « voix de la jeunesse » alors qu’elle n’était, jusqu’à présent, connue de personne.

Ce schéma démontre l’usage d’un prête-nom stratégique, jeune, citoyen, non affilié, pour donner un vernis de sincérité à une opération de contre-lobbying largement orchestrée en coulisses. Ce n’est pas une fraude, c’est une tactique de communication bien connue : utiliser une figure vierge de tout soupçon politique pour incarner un mouvement préparé par d’autres.

Une synchronisation millimétrée avec la contestation institutionnelle

Le 11 juillet, soit 24 heures après la mise en ligne de la pétition, les groupes parlementaires LFI, EELV, PS et GDR annoncent une saisine conjointe du Conseil constitutionnel contre la loi Duplomb.

Il faut rappeler que ces mêmes groupes avaient multiplié les amendements lors de l’examen du texte, déposant plus de 1 000 amendements pour tenter d’épuiser le temps législatif imparti. Leur objectif n’était pas de discuter sereinement, mais de provoquer une fin de session sans vote. Ce sont donc ces stratégies d’obstruction qui ont rendu le débat impossible.

Cette synchronisation entre obstruction, recours constitutionnel et pétition virale interroge la spontanité présentée comme témoignage d’une étudiante isolée. En réalité, on observe un front coordonné d’opposition politique utilisant tous les leviers disponibles — juridiques, médiatiques, militants.

Le grand perdant, c’est l’écologie

Si certains volets de la loi Duplomb sont effectivement sujets à controverse (comme la réintroduction ponctuelle de certains pesticides), la pétition a choisi de tout mélanger : pesticides, mégabassines, élevage intensif, contrôles, avec un discours globalisé de rejet.

Mais cette stratégie du « tout ou rien » dessert l’écologie elle-même. Au lieu de porter un débat nuancé sur les usages raisonnés, les dérogations exceptionnelles ou les contreparties environnementales, on aboutit à une confusion totale.

L’exemple le plus flagrant est celui de l’acétamipride, ce pesticide réautorisé sous conditions, potentiellement nocif pour les abeilles à fortes doses. Plutôt que d’engager un véritable débat sur ce point précis, avec mise en balance des risques et des alternatives agricoles, la pétition l’a noyé dans un élan généraliste. Les petites abeilles, si l’on ose la métaphore, se retrouvent noyées dans la masse de revendications tous azimuts. Et c’est justement là que le message perd en efficacité.

Des sujets qui auraient mérité un vrai débat sont instrumentalisés dans un affrontement partisan. Et ce sont les citoyens soucieux d’écologie raisonnée qui se retrouvent pris au piège de ce flou stratégique.

Quand l’indignation masque l’orchestration

Une chose est certaine : l’écologie perd sa crédibilité à être ainsi instrumentalisée.

Mais plus encore que de la lisibilité, ce qui se perd dans cette séquence, c’est du temps. Du temps précieux pour penser un modèle agricole à la fois responsable, productif et soutenable. Un modèle qui répondrait aux questions concrètes :

  • Comment nourrir 70 millions de Français sans dépendre des importations ?
  • Comment maintenir des prix accessibles sans asphyxier les agriculteurs ?
  • Comment réduire l’usage des intrants chimiques sans importer des produits qui ne respectent aucune norme ?

Pendant qu’on surjoue la mobilisation sur un pesticide, les algues vertes continuent de proliférer, les terres s’appauvrissent, les éoliennes s’imposent sans concertation, et le réchauffement climatique s’accélère. Il ne s’agit pas d’opposer l’urgence climatique à la santé publique, mais de les articuler dans une stratégie cohérente.

Ce que cette affaire montre cruellement, c’est qu’au-delà de l’indignation et des pétitions, il manque un projet. Un projet clair, solide, assumé, qui sache tenir ensemble souveraineté alimentaire, justice sociale et transition écologique. Aujourd’hui, on fait beaucoup de bruit, mais on ne propose pas de chemin. On dénonce, mais on ne construit pas. On communique, mais on ne planifie rien.

Dans cette histoire, ce sont peut-être les abeilles qui ne retrouveront plus le chemin de la ruche.

Le gagnant dans cette opération ? Certainement pas le climat. Ni la science. Peut-être un ou deux partis politiques en quête de posture. Mais les Français ? Une fois qu’e les Français’ils auront compris qu’ils ont été pris, une fois de plus, pour des dindons. Ils s’en souviendront. Une fois, pas deux.