Couleur politique des chaines de télévision française Couleur politique des chaines de télévision française

Couleur politique des chaines de télévision française ?

Décryptage de la polarisation médiatique en France : les différentes catégories de médias et leur rôle dans l’espace médiatique français.

Média Polarisation à la Française en question ?  

L’Institut Montaigne, en collaboration avec le Médialab de Sciences Po, le Center for Civic Media du MIT, et en se basant sur les données du Pew Research Center, a exploré la polarisation médiatique en France. Contrairement à l’approche simpliste centrée sur les « fake news », cette étude approfondie analyse les liens entre médias pour comprendre la structure de l’espace médiatique français. Résultat : une polarisation verticale unique, opposant les institutionnels aux « anti-élites », à travers quatre catégories de médias : le « Cœur », la « Couronne », les « Satellites » et la « Niche ».

Aller au-delà des « fake news »

Les bouleversements affectant l’espace médiatique sont souvent réduits à l’étude de leurs symptômes les plus visibles. Ainsi, le concept de « fake news », abondamment utilisé et commenté, ne suffit pas à rendre compte de la complexité des changements à l’œuvre.
Ce rapport explore la méfiance croissante envers la démocratie représentative et les médias en France, exacerbée par les défis numériques, la dépendance aux réseaux sociaux, et l’émergence de nouveaux acteurs médiatiques.

Il examine si la polarisation médiatique observée aux États-Unis, caractérisée par une radicalisation de la presse conservatrice, se produit en France. À travers une analyse de millions de tweets et d’articles, l’étude révèle une polarisation française sur un axe vertical opposant institutionnalistes à « anti-élites », distincte de la polarisation horizontale gauche-droite aux États-Unis. Les médias traditionnels français restent centraux, mais l’émergence de nouveaux médias partisans pourrait accentuer cette polarisation. 

Il classe les médias en trois catégories principales selon leur positionnement politique et leur approche journalistique :

  1. Médias traditionnels et institutionnels : Ces médias maintiennent un rôle central et sont perçus comme moins polarisés. Ils continuent de jouer un rôle de modération dans l’écosystème médiatique français. (Journaux et TV)
  2. Médias alternatifs ou de niche : Ils sont souvent orientés politiquement et peuvent contribuer à la polarisation en se positionnant explicitement contre les élites ou en promouvant des perspectives alternatives.
  3. Réseaux sociaux et plateformes numériques : Ils facilitent la diffusion rapide d’informations mais sont aussi critiqués pour leur rôle dans la propagation de fausses nouvelles et la création de bulles de filtres, accentuant la polarisation.

Chaque typologie contribue différemment à la dynamique de polarisation en France, avec une tendance croissante à la méfiance envers les médias traditionnels et un recours accru aux sources alternatives ou numériques.

Les Clés de la Polarisation Idéologique des Médias

Une étude approfondie sur les inclinations politiques des médias français, menée par Moritz Hengel sous la direction de Julia Cagé et Nicolas Hervé, avec la collaboration de Camille Urvoy, a analysé les données de l’INA pour déterminer l’origine des biais politiques dans les chaînes de télévision et stations de radio entre 2002 et 2020.

En examinant plus de 260 000 invités politiques, l’étude a révélé une polarisation marquée :

Initialement, la droite bénéficiait de plus de 40 % du temps de parole en 2002-2003, mais cette part a chuté à moins de 25 % en 2019-2020. Parallèlement, la gauche a vu son temps de parole réduire de 30 % à moins de 20 % sur la même période. Les centristes, incluant le mouvement En Marche à partir de 2016, ont vu leur part augmenter de moins de 10 % à 35 %.

La distribution du temps de parole varie également en fonction des chaînes.

  • LCI a alloué 60 % de son temps de parole à la droite, aux centristes, et à l’extrême droite entre 2002 et 2020,
  • Arte n’a consacré que moins de 30 % à ces mêmes groupes.
  • CNews accorde plus de temps de parole à la droite plus de 50%
  • France Culture favorise les voix de gauche à 60%

Cette étude souligne une polarisation croissante des médias, avec des chaînes comme France 5 favorisant les personnalités de gauche et RMC, celles de droite, illustrant une tendance générale à la polarisation des médias selon les lignes éditoriales, souvent influencées par les propriétaires plutôt que par les choix individuels des journalistes.

La tendance à colorer politiquement les plateaux télévisés est en fait un miroir de la société, selon Moritz Hengel. En clair, les médias se calibrent sur les préférences de leur audience, amplifiant ainsi le phénomène des « effets de chaîne » où les orientations éditoriales influencent de manière prépondérante la sélection des invités. Nicolas Hervé souligne que ce phénomène domine largement dans le choix des invités, révélant que les journalistes, en accord avec les médias pour lesquels ils travaillent, jouent un rôle mineur dans cette sélection. Ils sont, en grande partie, les exécutants des orientations de leurs maisons de presse.

Cependant, Moritz Hengel nuance en suggérant que les journalistes de renom, ceux qui commandent une large audience, pourraient se permettre d’échapper aux inclinaisons de leur chaîne. Néanmoins, les noms de ces journalistes demeurent confidentiels, la constitution de bases de données sur les opinions politiques étant restreinte en France à des fins de recherche uniquement.

Grâce à l’étude de l’institut Montaigne et l’excellent travail de Moritz Hengel, on l’aura compris ce sujet est bien plus complexe que ce que nous vendent « Les acteurs » de cette bataille médiatique.

Changer de chaîne ou de journal c’est ça la liberté.

L’essentiel n’est-il pas de savoir changer de chaîne ou de journal quand une information nous dérange. De vérifier qui parle ? d’où il parle ? à quel public il s’adresse ?

Les Français ne sont peut-être pas si idiots que l’on semble l’entendre à travers les polémiques. Ils sont capables de choisir en fonction de leurs propres orientations idéologique. La pluralité leur permet de confronter leurs idées à d’autres qui leur sont proposés. Réjouissons-nous d’être dans une démocratie.

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